Résumé :
|
L'islam a connu, comme le christianisme, et au temps même de la Révélation, une floraison de courants qui voyaient dans l'esprit ascétique la vraie manifestation de la vie religieuse. Le mysticisme musulman, de l'Egypte à la Palestine ou à la Turquie, emprunte au fil des siècles une variété de formes, au demeurant fort comparables avec celles (de l'ermite vagabond aux saints, des cénobites libertins aux faux dévots et aux Templiers) qui peuplent l'univers chrétien. Parmi ces multiples confréries, mal connues des légalistes musulmans qui les méprisaient autant que des Occidentaux qui, dès le XIXe siècle, tentèrent de les étudier, les Heddawa, et leur guide, Sidi Heddi, surnommé le Sultan des mendiants ou le Père des pauvres , restèrent longtemps une énigme. Répandus partout au Maroc jusqu'au XXe siècle, fuyant le monde, ils se distinguent des autres ascètes voyageurs par la rigueur avec laquelle ils appliquent le principe de pauvreté et leur dédain de la Loi et de ses docteurs, allant jusqu'à bannir tout enseignement coranique. Cette secte de vagabonds pénitents originaire des régions montagneuses du Rif marocain a pour fondateur Sidi Heddi, apôtre extatique mais aussi derviche mendiant, voyageant d'un bout à l'autre du monde islamique, objet d'une véritable légende populaire. Par sa doctrine ascétique et ses attaches avec l'antique monachisme errant, Sidi Heddi prélude au renouveau mystique du XIXe siècle, à l'avant-garde d'une pléiade de marabouts qui, par leurs sermons enflammés, raffermiront le mouvement confrérique et lui donneront un nouvel élan. Les Heddawa sont ainsi non pas, comme on a pu l'avancer, un mouvement de déstabilisation de l'islam mais, entre ébionisme et extase, l'incarnation moderne du monachisme errant maghrébin. Cette remarquable étude, fruit de dix ans de recherches confrontant des matériaux pris aux sources vivantes avec les indications recueillies et les principes immuables du mysticisme, apporte une contribution essentielle à la synthèse du soufisme nord-africain.
|