Résumé :
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Les collectionneurs d'art contemporain sont divers dans leurs pratiques, leurs goûts et leurs recherches. Certains suivent une ligne, d'autres sont plus fantaisistes. D'aucuns sont boulimiques et voudraient s'en guérir. Souvent, ils n'aiment pas qu'on les appelle “collectionneurs”, comme si le terme était péjoratif : ils se voient plutôt comme des chercheurs, des découvreurs de nouveautés. Si le statut de collectionneur ne constitue pas leur projet initial, un beau jour, voyant qu'il n'y a plus de place sur les murs, ils prennent conscience qu'ils sont devenus collectionneurs. Ce nouveau statut alourdissant leur vie, ils cherchent à s'en dédouaner : à “collectionneurs”, ils préfèrent “amateurs d'art” et à “collection”, “réunion d'oeuvres”. Ils se définissent généralement avec modestie ou humour. Toute collection exige une formation. Se faire l'oeil demande du travail et prend du temps. Il faut aller voir les expositions, lire, s'informer. L'apprentissage se fait essentiellement sur le tas, par la fréquentation des musées et des galeries et par la rencontre de galeristes, d'artistes, de collectionneurs, qui aident à forger le goût et le regard. Si, pour acheter des oeuvres, il faut des moyens, ceux-ci ne doivent pas forcément être colossaux. La plupart des interviewés ne sont pas riches, mais acheter de l'art reste leur priorité. Collectionner, c'est jouer. Les collectionneurs sont dans l'addiction ; ils sont conscients d'imposer à leurs proches, conjoint ou enfants, leur manie, leur folie. Mais, en même temps, ils revendiquent le droit à dépenser, à s'amuser. Désirer des oeuvres d'art est devenu le moteur de leur existence : il se transforme vite en plaisir. Or, la collection, qui au départ était synonyme d'aventure et de liberté, devient peu à peu synonyme de contrainte. Elle envahit l'espace, impose sa présence, avec ses problèmes d'assurance, de stockage, d'accrochage... Puis, fatalement, arrive la pire des contraintes : l'avenir de la collection. Certains l'organisent avec soin, d'autres s'en soucient très peu, voire pas du tout, faisant de leur indifférence une philosophie. Si le destin de leurs oeuvres leur cause parfois de l'inquiétude, ce qui les inquiète encore davantage est la perte éventuelle de la curiosité ou la rupture avec les jeunes générations d'artistes. Ainsi, à travers les témoignages de quatorze collectionneurs, Anne Martin-Fugier nous invite à pénétrer dans leur univers. On saisit en particulier le rôle agissant de l'art vécu au quotidien, de l'intimité avec l'oeuvre sur son territoire privé.
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